Ces derniers jours, toute la presse s'est enthousiasmée pour
l'étude publiée le 19 mars dernier par la psychologue Debby Herbenick
dans la revue Sexual and Relationship Therapy. La bonne nouvelle, c'est
que les femmes peuvent avoir des orgasmes en faisant du sport. Mais à
quoi sert cette bonne nouvelle, loin du rapport à l'autre ou de doigts
qui fouillent le corps avec délectation ? Le point de vue de notre
experte Sophie Bramly.
D'accord, les scientifiques
viennent de faire une découverte importante en matière de sexualité
féminine : lorsque les muscles abdominaux sont sollicités, ils peuvent
déclencher un ou des
orgasmes. Sur les quelques centaines de femmes, âgées de 18 à 69 ans et toutes hétérosexuelles (pourquoi ? Les
lesbiennes ne font-elles pas de vélo ?), la plupart ont eu plus ou moins conscience d'un orgasme en pratiquant un
sport, sans avoir eu de fantasmes au moment dit. Des orgasmes « malgré elles », en quelque sorte.
L'étude
s'interroge sur les mécanismes de ces orgasmes loin de toute activité
sexuelle et s’ils ont un impact sur les femmes. Sans pouvoir encore
établir de statistiques, les auteurs ayant pu recruter les femmes en 5
semaines seulement, ils suggèrent que possiblement les cas ne sont pas
isolés.
On voudrait d'abord savoir pourquoi ils n'ont pas posé
plus de questions à ces femmes ? Pourquoi ils n'ont pas poussé
l'observation plus loin et demandé aux femmes, si, sans faire de sport,
en
contractant seulement les muscles pelviens et/ou ceux du périnée, on n'arrivait pas au même résultat ? Pourquoi ils n'ont pas demandé aux femmes si ces
orgasmes avaient, ou non, un intérêt ? L'étude ayant été dirigée par une femme,
on s'étonne de ce que cette scientifique, spécialiste des questions de
sexualité féminine, ne profite pas des connaissances qu’elle a de son propre
corps. A moins bien sûr qu’elle n’ait jamais cherché à contracter son
périnée et qu’elle ne fasse aucun sport. Sinon nul doute qu’elle aurait
senti cette douce vague de spasmes, que tant de femmes connaissent…
Nous avons déjà parlé de ce que les bienfaits de la
masturbation ne concurrençaient pas ceux de la relation sexuelle avec l'autre ; de
ce que, avec ou sans orgasmes, il y a, avec l'autre, des échanges
moléculaires et une stimulation des cinq sens qui sont autrement plus
bénéfiques et satisfaisants.
Qu’essaie-t-on de nous dire avec cette
étude ? Le propos, en décorrélant l’orgasme de l’acte sexuel, est-il de
savoir que les orgasmes s’obtiennent sans hommes, sans
sex toys,
sans les doigts ? Que nous allons ainsi nous affranchir de la relation à
l’autre, dans une époque individualiste où le compromis n’est plus de
mise ? Est-il encore de séparer complètement l’acte d’amour, d’un
résultat qui jusqu’ici a été vécu comme une finalité (on fait l’amour,
et la quête, pendant l’acte, est de faire monter l’excitation jusqu’à
atteindre un pic) ?
Notre scepticisme nous pousse à croire, de façon tout à fait intuitive, que ces orgasmes, sans
fantasmes ni relation à notre plaisir charnel, sont
sans grand profit pour les femmes.
Mais
notre optimisme se réjouit, lui, de ce que, en banalisant ainsi la
faculté à avoir des orgasmes dans des actes du quotidien, on cesse ainsi
de presser les femmes à reconnaître en elles des feux d’artifices qui
parfois ne sont guère plus que des étincelles d’allumettes.
Ce qui ne diminue en rien la virilité des hommes et le plaisir à jouir des femmes.
Voilà, au final, une étude qui fait du bien.